Le livre qui vient de sortir chez Olivétan, Les protestants charismatiques en France Emergence, dynamique et intégration d’un mouvement (1968-1988) intéresse naturellement les Attestants. Car le Mouvement charismatique est un souffle de réveil qui touche non seulement des milieux catholiques et évangéliques, mais aussi des réformés et luthériens qui font l’expérience dynamisante du « vent de l’Esprit ».
Il y a eu des protestants sensibles à ce type de piété tout au long des siècles suivant la Réforme. Le phénomène des petits prophètes cévenols est souvent cité, mais ce cas est très particulier par les circonstances et les formes. Il ne ressemble guère à la discrétion coutumière des réformés de sensibilité piétiste ou charismatique.
Ceci est illustré par l’Union de Prière de Charmes, fondée par le pasteur Louis Dallière. Ce courant au sein de l’Eglise Réformée de France s’intéresse au réveil et entretient des relations fraternelles avec des pentecôtistes. Lorsque des nouvelles concernant le Mouvement charismatique atteignent la France, Dallière et ses amis invitent le pasteur pentecôtiste David du Plessis à Charmes pour en parler. Leur rencontre en 1968 contribue à préparer l’émergence du Mouvement en France.
Les réformés se trouvent en première ligne, mais de façon très discrète. Contrairement aux manifestations spectaculaires qui surgissent en divers endroits et font la une de la presse, les réformés intéressés gardent une posture mesurée. Les pasteurs Alain Schvartz et Paul Bechdolff veillent à ce que le Mouvement ne déborde pas, ils tentent de canaliser la ferveur spirituelle de façon équilibrée.
Mais le contexte ne leur est pas favorable au tournant des années 1960 et 1970, le monde protestant en France passe par des tempêtes. Cette coïncidence explique en partie la crise qui aboutit au départ du pasteur Charles Schinkel de l’ERF. Un autre départ, celui du proposant Gérard Croissant qui intègre l’Eglise catholique ne favorise pas non plus la réputation des charismatiques chez les réformés.
Diverses tendances réformées sont touchées par le Mouvement, dont celles qui ne sont pas proches des évangéliques « pentecôtisants ». Combien sont-ils ? Difficile de savoir. Le synode régional de 1975 à Lyon constate que l’importance du phénomène est limitée. Les réformés désireux de vivre cette spiritualité avec d’autres se retrouvent surtout avec des catholiques charismatiques. Ils se rassemblent notamment aux conventions de la Porte Ouverte, près de Chalon-sur-Saône jusqu’en 1989, et du Centre chrétien de Gagnières dans le Gard.
Mais l’intégration du Renouveau dans l’Eglise catholique affaiblit sa dimension œcuménique. Comme les catholiques, les protestants accentuent aussi les traits et caractéristiques de leur identité confessionnelle. Un réformé charismatique se distingue d’un luthérien charismatique ou d’un baptiste charismatique. Contrairement à ce qui a pu être affirmé, le Mouvement charismatique n’efface pas les barrières entre les Eglises, confessions et dénominations.
En termes sociologiques, la dynamique charismatique est une impulsion qui intensifie la vie spirituelle là où elle surgit et évolue. Pour certains acteurs, il s’agit d’un bouquet composé de couleurs distinctes qui méritent chacune sa place dans un ensemble cohérent malgré les apparences. Ils croient que c’est une œuvre du Saint-Esprit qui anime leur foi en Jésus-Christ.
Les protestants charismatiques ne sont pas meilleurs que les autres, ils ne sont pas parfaits, bien entendu. Mais la grâce dont ils bénéficient est la bienvenue dans l’ère contemporaine de mutations. Elle éclaire autrement le monde dont nous faisons partie et dans lequel nous témoignons de notre espérance.
Evert Veldhuizen
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