par Pascal Geoffroy, pasteur EPUdF à Reims
La proposition de base qui nous est parvenue ne reflète pas la pluralité des expressions de la foi qui s’expriment et se vivent dans notre union d’Eglises. Cette pluralité est pourtant annoncée comme précieuse dans le paragraphe 5. Certes, on répondra que le processus synodal commence à peine, ce qui est exact. Mon propos est de prendre la mesure de la situation où nous sommes afin de mieux percevoir le chemin qui reste à parcourir ensemble.
Pour rendre compte de la proposition du Conseil national. Je vois deux hypothèses, entre lesquelles je ne sais pas décider :
– Les auteurs ont peut-être pensé qu’il convenait d’avoir des formules les plus vagues possibles pour inclure toutes les nuances et les sensibilités théologiques de notre union d’Eglises. Cette explication a comme aspect positif que notre institution manifesterait ainsi le souci de réunir la diversité dans une déclaration commune. L’aspect négatif est qu’une telle approche supposerait de la part des auteurs, une bonne dose de naïveté et de timidité. La naïveté repose sur une méconnaissance du protestantisme historique dans ses différentes composantes. Elle se manifeste dans l’espoir que tout le monde pourrait se reconnaître dans des déclarations si générales. La timidité consiste à éluder les questions difficiles et à renoncer aux différenciations qui existent dans notre église et qui sont les marques distinctives de la liberté et plus fondamentalement encore de la vie. Cette première hypothèse serait un piètre hommage à la variété des expressions de foi puisque la pluralité serait invoquée, mais sans être mise en œuvre.
– L’autre hypothèse est encore plus terrible. C’est la possibilité, qu’en fait ceux qui gouvernent notre institution et qui ont mandaté les rédacteurs puis diffusé leur travail auraient fait pour notre église, le choix théologique d’un relativisme radical, dont la proposition de base serait le fruit (voir l’article précédent Hors sol). A charge pour les autres options de se manifester tant qu’elles en ont la volonté pour tenter de formuler leurs convictions et amender un texte qui n’a pas été conçu à partir de leurs prémices. Dans cette hypothèse le point positif est que les auteurs ne seraient ni naïfs ni timides. Le négatif est que nos instances seraient partisanes.
En 1938, nous avions une Déclaration de foi confessante, profondément marquée par l’influence de Karl Barth. Le préambule laissait cependant une marge considérable d’interprétation à ceux qui avaient une pensée différente en particulier plus libérale. En 1938, la pluralité des approches était clairement garantie par ce préambule. Il ne l’est pas dans la proposition de base de 2016. En ceci, il y a régression. Une église confessante a su faire de la place pour d’autres options. Une église animée par une théologie très sécularisée semble aujourd’hui ne pas pouvoir faire une place à d’autres approches par exemple plus confessantes.
La Déclaration de foi de l’ERF en 1938 n’est clairement pas pluraliste, elle est classiquement réformée, confessante et trinitaire. C’est dans l’interprétation libérale de cette Déclaration selon le préambule que le pluralisme était reconnu. Aujourd’hui, le pluralisme est lui-même le sujet de la foi et de la Déclaration de foi proposée. Il est descendu du préambule dans le corps de la Déclaration lui-même. Une Déclaration de foi précise admettait des marges d’approximation, mais quand ce qui était dans les marges approximatives remplit le texte lui-même il n’y a plus aucune place pour une pensée confessante. Une foi trinitaire, classique, confessante n’est pas une variante parmi d’autres d’une théologie dite libérale.
Reims, mai 2016