Le projet de loi confortant le respect des principes de la République et de lutte contre le séparatisme, a été adopté en deuxième lecture le vendredi 23 juillet 2021, en plein été, par 43 voix pour, 19 contre et 5 abstentions (soit 7,5% des votants potentiels sur 577 députés). La loi a été votée avec 103 articles dans la version finale. Le Conseil constitutionnel a rendu son avis définitif le 13 août, et les décrets d’application seront publiés à partir de l’automne après validation du Conseil d’État.
La Fédération Protestante de France ainsi que le Conseil National des Évangéliques de France ont dit leurs inquiétudes par rapport à un texte qui vient modifier de façon significative la Loi de 1905 et l’équilibre de la laïcité française.
Si nous comprenons la nécessité de renforcer le pacte républicain face à la montée des extrémismes, en particulier musulman, nous devons rester vigilants vis-à-vis de toute restriction de la liberté du champ religieux imposée par le politique.
Les questions touchant les communautés religieuses ne constituent qu’un huitième des sujets de la loi. Cette loi présente quelques avancées, mais certains points doivent retenir notre vigilance.
Beaucoup de points s’appliquent aux associations loi 1905 ou 1901 à objet cultuel. Ce type d’associations est très largement répandu dans le protestantisme français dont elles constituent le cadre essentiel.
Ce qui peut nous réjouir
– Certaines obligations concernant les associations 1905 (cultuelles) sont désormais applicables aux associations 1901 à objet cultuel. Désormais les associations ont plus que jamais libre choix du régime auquel se soumettre : 1901 ou 1905, ou un nouveau régime mixte. L’Etat incite les associations religieuses à adopter le statut de 1905, ce qui n’était pas le cas pour les associations musulmanes à cette heure.
– La loi étend le modèle presbytéral à toutes les associations cultuelles : adhésion des membres, transactions immobilières, recrutement des ministres du culte.
– Une mesure incitative à court terme permet aux donateurs de bénéficier pour 2021 et 2022 d’une défiscalisation à 75% à hauteur de 554€ par foyer, puis 66% pour les montants au-delà.
– La Fédération protestante de France a milité et obtenu de faire annuler l’interdiction de dons en espèces de plus de 150€ qui était dans le premier projet.
Malheureusement, ces quelques points réjouissants sont bien moins significatifs que plusieurs points inquiétants.
Ce qui nous inquiète : une laïcité de contrôle
– L’esprit de la loi de 1905 valorisait que des individus ne remettent pas en cause le respect réciproque de l’État et des Églises dans l’exercice de leurs activités propres. Cette loi tend à rendre les associations cultuelles responsables des propos et prises de positions de leurs membres, les contraignant à une impossible « chasse aux sorcières » dans leurs propres rangs, pour pister toute rébellion par rapport à l’intégrité de l’État et tout fauteur de trouble à l’ordre public.
– Les associations tendraient aussi à être soumises à un régime d’autorisation bien plus strict que précédemment, réitéré tous les cinq ans a minima. Bref, le contrôle étatique serait plus fort.
– Cela va de pair avec une forme de laïcité de contrôle, qui présume de la culpabilité plutôt que de l’innocence, et impute au collectif la responsabilité individuelle, par exemple des cadres de l’association dans leurs prises de positions individuelles. La question de l’utilisation de textes bibliques qui seraient mobilisés pour défendre des opinions que l’État se mettrait à juger comme non correctes est en ligne de mire. Un exemple musulman le 22 juillet 2021 à Saint Chamond a été assez éclairant à ce titre ; l’imam Mmadi Ahamada qui a été révoqué par le Ministre de l’Intérieur à cause d’une prédication sur un verset de la sourate 33 du Coran. Des assemblées évangéliques ont déjà connu des difficultés en affichant certains versets bibliques.
Ainsi le contrôle des cultes inclura l’interdiction de l’incitation à la haine, à la violence et à la discrimination, notamment concernant l’orientation sexuelle ou à l’identité de genre des personnes.
Nous nous associons bien évidemment à la condamnation de toute forme de violence, de haine ou de discrimination de toute nature quelle qu’en soit les causes. Mais où seront les limites de cette tendance ? Comment seront-elles déterminées, sur quelles bases et par qui ? À terme, ne peut-on pas craindre que nous ne puissions plus lire publiquement certain textes de nos Bibles ? Et en poussant très loin l’idée, est-ce que les formulations de l’Évangile disant que Jésus est le seul chemin vers le Père pourraient être pénalisables au nom de la discrimination ? Déjà dans certains milieux d’Église passe la consigne d’être très vigilant sur les informations publiées sur internet, notamment les cultes.
– Tout montant annuel de dons imputables depuis l’étranger devra également être déclaré s’il dépasse 10.000€, avec des obligations diverses qui risquent d’être coûteuses, et qui peuvent créer des difficultés pour des petites associations cultuelles de l’EPUdF aidées par le Gustav Adolf Werk en Allemagne ou le Fonds pour les protestants disséminés en Suisse.
L’équilibre précédent de la loi de 1905 permettait la critique des religions et leur liberté. Il permettait aussi en sens inverse que les Églises soient ferment de critique vis-à-vis de phénomènes sociaux ou politiques.
Cette loi ne risque-t-elle pas d’enclencher un processus de délitement de la loi de 1905 en portant atteinte au principe de confiance inclus dans celui de séparation des Églises et de l’État ?
Conseil des Attestants
Vendredi 17 septembre 2021